Le Randonneur

Le coin des livres

Les lectures recommandées par les Amis du Randonneur

MON TOP 5 DES RÉCITS DE VOYAGE À BICYCLETTE 2021

Plus de cinquante récits de voyage recensés cette année par mon ami Hervé, une bonne année donc, dont il convient d’extraire la substantifique moelle … Pas facile, beaucoup de parutions en fin d’année civile, des titres difficilement accessibles, un temps de lecture pas forcément extensible ! Cette nouvelle sélection annuelle est forcément imparfaite, subjective, pourquoi pas injuste, mais elle traduit bien, au-delà de toutes ses limites, la grande diversité de styles, de destinations, de motivations, qui fait du récit de voyage à bicyclette un véritable genre littéraire. Lisez, voyagez, rêvez !

Jean-Yves Mounier

Yannick Billard

Dans la roue du Petit Prince

250 pages, 12,90 €, Transboréal

Par le hublot d’un avion, le père de famille aperçoit, au-dessus du Sahara, un minuscule point lumineux. Et si c’était le le petit prince ? De cette interrogation, de la fascination pour le roman de Saint-Exupéry, va naître le projet de partir en famille sur les traces des pionniers de l’Aérospatiale, avec Le Petit Prince comme fil conducteur.

Yannick, sa femme et ses trois enfants vont pédaler six mois durant en direction de la Casamance, vivant une expérience familiale hors du commun, une expérience de vie dont ils reviendront changés, épanouis, ouverts aux autres comme à eux-mêmes et remplis d’une humanité propice à affronter une existence plus conventionnelle.

Présenté dans Le Randonneur n° 77 de septembre 2021, ce récit charme par sa poésie, l’originalité de sa démarche et la fluidité sensible de son écriture, offrant au lecteur une belle rencontre avec une famille attachante.


Chapalain l'Appel du Grand Nord

Valentin Chapalain

L’appel du Grand Nørd

260 pages, 21,90 €, Autoédition disponible auprès de l’auteur.

Valentin a un rêve depuis qu’il est tout petit : découvrir les grands espaces de Scandinavie et, pour ce faire, quel meilleur moyen que de partir à bicyclette pour s’en aller voir, tout là-haut, et répondre à l’appel du Grand Nørd ?

Comme de nombreux voyageurs actuels, Valentin va mettre à l’épreuve sa fibre citoyenne en entretenant des relations régulières avec des écoliers, il va quotidiennement ramasser des déchets le long de sa route mais, surtout, il va mettre à l’épreuve son goût des rencontres – on parle souvent du caractère rugueux des Scandinaves – et son amour pour la nature, exigeante dans ces contrées nordiques mais ô combien authentique.

Ouvrir ce livre, c’est partir à l’aventure avec Valentin qui nous emporte avec talent, sincérité et chaleur, dans ses sacoches pour découvrir des lieux et des personnages hors du commun. Au risque de ne plus pouvoir le refermer avant sa conclusion…


Thibault Clémenceau

Un duo vers l’inconnu

418 pages, 18,99 €, Autoédition disponible auprès de l’auteur.

De chez moi à chez toi à vélo, quoi de plus banal ? Sauf, peut-être, quand lui, Thibault, est français et qu’elle, Khanh Nguyen, est vietnamienne, qu’ils viennent de se marier et de décider d’aller de chez l’un à chez l’autre à bicyclette !

Un an, seize mille kilomètres, une sacrée mise à l’épreuve pour ce jeune couple qui, après avoir convaincu les familles respectives, va peaufiner son projet, intitulé Non La, du nom de ces chapeaux coniques omniprésents au Vietnam. Collecte de fonds pour une école, choix de l’itinéraire fortement influencé par la situation géopolitique puis sanitaire, péripéties familiales vont ponctuer un voyage atypique, du fait de la composition du couple, et laissant le temps de découvrir, de se faire sa propre opinion, au risque d’être déçu faute d’avoir trouvé les plus belles choses.

Volontairement écrit à partir des souvenirs et des photos et non, comme souvent, autour des notes prises pendant le voyage, ce récit nous présente un couple d’une grande générosité et qui sait porter sur les aléas de la vie un regard lucide mais optimiste, se concluant par cette injonction propre à éclairer l’existence : Deviens ce que tu es.

Clemenceau Un duo vers l'inconnu

A.Cl-David À vélo sur les Chemins bretons de Compostelle

Anne Clémencet-David

À vélo sur les Chemins bretons de Compostelle

243 pages, 19,50 €, Autoédition disponible auprès de l’autrice.

Il est de coutume de dire qu’il y a autant de chemins de Compostelle qu’il y a de pèlerins. Itinéraires principaux, secondaires, de jonction, selon le point de départ, ils sont plus ou moins connus, balisés, empruntés. Anne les connaît bien, elle qui « pèlerine » depuis plus de trente ans et défend à travers ses ouvrages la diversité des pratiques, des moyens de transport, des durées de marche ou de pédalage.

Qu’en est-il de la Bretagne et de ses trois itinéraires principaux, plus ou moins historiques ? Sont-ils vraiment accessibles, quelles traces laissent-ils sur le terrain ou bien dans le quotidien des riverains de ces chemins ? Autant de questions auxquelles Anne, son VAE et son fourgon, tente de répondre dans cet ouvrage qui vient quelque peu dépoussiérer la « mythologie » du pèlerinage vers Saint-Jacques.

D’un humour discret mais toujours de bon aloi, revenant régulièrement à de précédentes expériences, sachant traduire un amour délicat pour la Bretagne, Anne nous invite ici, au-delà des limites géographiques, à nous faire pèlerins et à aller voir ce qu’est le Chemin pour nous !


Dean Nicholson

Le monde selon Nala

320 pages, 18,90 €, City Éditions

Parler de « feel good » est devenu un lieu commun, que ce soit en matière cinématographique, littéraire ou sur les réseaux dits sociaux qui en font leurs choux gras. Dans ce segment, les animaux jouent un rôle important et il n’est pas rare que, pour provoquer quelques clics « populaires » supplémentaires, les animaux soient mis en avant, à commencer par les chats.

De là à soupçonner, dans ce récit, un coup commercial en mettant en valeur Nala, petite chatte trouvée abandonnée au bord de la route, au centre de ce récit de tour du monde à bicyclette, il n’y a qu’un pas…  Qu’il serait cependant réducteur de franchir, tant la narration de cette aventure va au-delà de cette tentation éditoriale et invite le lecteur à s’attendre à l’inattendu.

Qu’il soit ailurophile ou simple amoureux de la petite reine, chacun saura trouver dans ce livre généreux et rempli de bons sentiments une raison supplémentaire de ne pas se laisser aller à la morosité ambiante.

Nicholson Le monde selon Nala

Un livre de Maurice Leblanc

Voici des Ailes

Coïncidence ; au moment où notre amie Roulement à Billes mettait le nez dans les livres pour nous offrir des perles littéraires et vélocipédiques, notre ami Alain Famelart découvrait Voici des Ailes, roman de Maurice Leblanc – pas encore connu pour la narration des aventures de son célèbre personnage : Arsène Lupin –, et a voulu ensuite partager l’enthousiasme de sa découverte avec les Amis du Randonneur.

L’ami Daniel Curtit nous a fait un bien sympathique cadeau dans le numéro 77 du Randonneur, en abordant le thème de la femme et de la bicyclette à la fin du XIXe siècle. Et de citer ce ravissant ouvrage de Maurice Leblanc, Voici des ailes. Hasard ou prémonition, je venais justement d’acquérir un exemplaire de cet ouvrage, et de m’en régaler, lors d’une après-midi pluvieuse. Paru en 1898, dans une superbe édition illustrée, l’ouvrage a été réédité chez Phébus en 1999, hélas sans ses bien libres illustrations de Lucien Métivet, mais préfacé par le facétieux Antoine de Caunes, amateur éclairé de la petite reine :

« Quel magnifique projet que celui de Voici des ailes, qui se propose de vanter les mérites conjoints et respectifs de la femme et de la bicyclette, et de ceux, gentlemen pas encore cambrioleurs qui les montent. Et puisqu’aussi bien nous voilà en présence du premier roman répertorié de la littérature cyclopédique* – en avance de deux ans (comme Arsène le sera toujours vis-à-vis du vieux Sherlock) sur le très britannique Trois hommes et un vélo de Jerome K. Jerome qui lui, confortant les préjugés futurs d’une Édith Cresson, préfère laisser ses gentlemen entre eux sur leurs petites reines –, saluons le courageux livre de notre Leblanc national comme la pierre fondatrice d’un genre où s’illustreront bien plus tard, bien que sur un ton plus gouailleur, les Blondin et autres Audiard. Car ici l’amour de la bicyclette et l’amour tout court sont destinés à faire bon ménage. Ou plutôt c’est la bicyclette, celle qui donne des ailes aux jambes, et aux sentiments, qui va se charger de remettre un peu d’ordre dans des ménages mal assortis. »

Comme le chantait si bien Yves Montand, dans La Bicyclette :

On était tous amoureux d’elle
On se sentait pousser des ailes
À bicyclette.

Ou bien comme l’écrivait Philippe Delerm dans La bicyclette et le vélo, extrait de Quelques gorgées de bière et autres plaisirs minuscules (Gallimard, 1997) :

« On naît bicyclette ou vélo, c’est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d’eux-mêmes pour aimer – car on n’est amoureux qu’à bicyclette. »

En 1898, la pratique du vélo est alors affaire avant tout des classes aisées, avant d’être supplantée par la pratique de l’automobile. On se gaussera de constater, que, plus d’un siècle plus tard, ce sont surtout des citadins, aisés et cultivés, qui remettront l’usage de la petite reine à la mode. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

*NDLR : Il semblerait qu’Antoine de Caunes se trompe et ne connaisse pas Le Tour du monde en vélocipède, illustré par Félix Régamey, paru en 1869, roman imaginaire lui aussi. Peut-être qu’il y a plus ancien ? L’avis des spécialistes sera le bienvenu !

(suite…)

La bibliothèque du Randonneur

Bibliothèque du Randonneur


Dans la bibliothèque du Randonneur n° 78 de janvier 2022, vous pourrez découvrir :

  • Claude WEILL, À bicyclette : une balade à travers le temps dans l’univers de la bicyclette. Littérature, peinture, photographie, chanson et autres, l’auteur convoque les arts pour louer les vertus de « la compagne fidèle de l’homme » et s’appuie sur une iconographie de grande qualité dans cet ouvrage à la lecture vivement recommandée.
  • Céline DUBOURG TREUSSIER et Vincent TREUSSIER, 500 jours à vélo : une balade d’un peu plus d’un an autour du monde, en famille, tous ensemble, simplement et le plus lentement possible. À travers la narration de ce voyage, initiatique pour les parents, éducatif pour les enfants, le couple nous montre de belle manière comment pédaler peut être une ligne de vie.
  • Joan NEGRESCOLOR, Alfonsina reine du vélo : une balade colorée et flamboyante dans l’univers d’une cycliste hors du commun. À travers des dessins percutants et un texte réduit au minimum, le dessinateur catalan nous fait (re)découvrir l’un de ces personnages extraordinaires que la bicyclette sait si bien engendrer, pour notre plus grand plaisir.
  • Nathan PIGOURIER, Nath en roue libre – Grain de selle : une balade humoristique et loin des clichés habituels du récit de voyage. Nathan n’est ni un géographe, ni un historien, pour lui, pédaler, c’est aller à la rencontre des autres et le raconter, dans un style qui lui est très personnel, le plaçant réellement à part dans l’univers des cyclos-voyageurs.

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Jean-Yves MOUNIER

Reflets de Pierre dans le Miroir

Pierre Roques

Reflets de Pierre dans le Miroir

Tout amateur de lectures cyclotouristiques connaît le nom et, plus encore, les écrits de Pierre Roques, un auteur que beaucoup n’hésitent pas à placer tout en haut de leur panthéon personnel en matière de littérature vélocipédique.

Avec « Du soleil dans mes rayons » (1976, Denoël) puis « Les Cyclotouristes » (1989, FFCT), sans oublier quelques guides pyrénéens qui ont certainement convaincu certains d’aller explorer ce massif montagneux si cher à Pierre, le zélateur du Comminges a su présenter mieux que quiconque ce qu’était le cyclotourisme, le vélo autrement, à travers le texte naturellement mais aussi à travers la photographie qu’il pratiquait assidûment et avec talent.

Mais saviez-vous qu’entre février 1962 et juin 1971, Pierre Roques avait rédigé, pour le magazine « Miroir du cyclisme », grand nombre de chroniques dans lesquelles il mettait en scène son avatar Godefroy, en y affirmant déjà haut et fort sa vision exigeante du cyclotourisme ?

Ce sont ces textes que Micheline, l’épouse de Pierre, a confiés à Gilbert Jaccon pour qu’il les mette bénévolement à la disposition du plus grand nombre, dans une édition agrémentée avec bonheur de quarante-et-une photographies choisies par la famille dans la collection de l’auteur.

Une excellente initiative qui ravira quiconque a déjà partagé le talent « photo-littéraire » de Pierre et saura éblouir ceux, rares sans doute, qui découvriront là un écrivain exceptionnel, doublé d’un photographe hors pair…

Très chaudement recommandé !

2021 – 284 pages – Gilbert Jaccon éditeur

Prix : 20 € + frais de port

Jean-Yves MOUNIER

Livres d’Or

Livres d’or des 650 – Ouvrage collectif

Le 25 septembre 1994, l’infatigable « apôtre du 650 » organisait au col de la Croix de Mazet (650 m, comme il se devait) la première concentration nationale des 650, prélude à la création, l’année suivante, de la Confrérie du même nom.

À cette occasion, notre Ami Henri, désormais Président d’honneur de la dite Confrérie, ouvrait un Livre d’or pour y recueillir souvenirs et impressions des participant.e.s. Premier livre bientôt suivi d’un second, ces deux opus couvrant la période 1994-2020 et aujourd’hui réunis en un seul volume grâce au travail de Gilbert Jaccon qui les a scannés et mis en page, agrémentant les écrits des consœurs et confrères de nombreuses photos, illustrations et autres dessins qui devraient ravir quiconque a déjà eu l’occasion de participer à ces rassemblements, tout en permettant aux autres de retrouver nombre de visages, souvent également Amis du Randonneur.

À un moment où la Confrérie des 650 connaît, après le départ de Patrick Jean, de profonds changements, voici donc un important témoignage sur l’histoire d’une association attachée à ses valeurs et à son matériel emblématique.

Une lecture recommandée pour que « le passé continue d’éclairer l’avenir » selon une citation de Tocqueville chère à Gilbert.

2021 – 198 pages – Gilbert Jaccon éditeur, disponible auprès d’Henri Bosc : henri.bosc.650@wanadoo.fr

Prix : 18 € + frais de port

Livres d'Or
Livres d’Or de la confrérie des 650

Jean-Yves MOUNIER

La bibliothèque du Randonneur

Bibliothèque du Randonneur


Dans la bibliothèque du Randonneur n° 77 de septembre 2021, vous pourrez découvrir :

  • Yannick BILLARD, Dans la roue du Petit Prince : un couple, leurs trois enfants partent à bicyclette vers la Casamance pour suivre les traces, plus ou moins fantasmées, du héros de Saint-Exupéry et vivre une aventure familiale hors du commun, racontée avec poésie et sensibilité par le père de famille, tout attaché à faire grandir ses enfants à travers les aléas d’un tel voyage.
  • Christian LABORDE, Le bazar de l’hôtel de ville : un écrivain amoureux de la petite reine, truculent conteur de la saga cycliste, des Pyrénées et de son Sud-Ouest natal, ouvre ici les tiroirs de son bazar personnel, donnant libre cours à sa fantaisie, rendant hommage aux figures tutélaires de son œuvre littéraire dans laquelle la bicyclette joue un rôle de premier plan.
  • TAZAB, Dordogne de la source à l’océan : un carnettiste-voyageur s’en va descendre, à bicyclette ou sur un canoë, la rivière Espérance, en souvenir de son enfance et des vacances passées sur ses rives et rapporte un carnet à la fois nostalgique et très actuel, alternant narration du périple, illustrations ou fiches pratiques qui donnent envie d’y aller voir soi-même.
  • Stein VAN OOSTEREN, Pourquoi pas le vélo ? : un ressortissant des Pays-Bas, habitué dès sa prime enfance à se déplacer à vélo, se demande pourquoi en France, pays hôte de la plus grande compétition cycliste au monde, une véritable politique en faveur des « déplacements doux » a tant de mal à se mettre en place, en incitant, au-delà des difficultés de tout ordre, à pratiquer pour « le plaisir et la liberté ».

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Jean-Yves MOUNIER

La bibliothèque du Randonneur

Bibliothèque du Randonneur


Dans la bibliothèque du Randonneur n° 76 de mai 2021, vous pourrez découvrir :

  • Bastien DELESALLE, Fuite ; parcourir le monde à bicyclette et rapporter d”un périple de plusieurs années un court récit plein d’humilité et de d’authenticité, à travers un Royaume-Uni automnal et pluvieux, à la rencontre des autochtones sollicités pour offrir l’hospitalité et plus si affinités. Un témoignage très humain d’un cycliste qui a fait du voyage sa raison de vivre.
  • Pascal MAGEREN, La créativité liée au vélo 2 ; admirer ce que l’imagination et la fantaisie humaine peuvent produire de plus original en matière de vélos, que ce soient les formes, les matériaux ou les usages. Une façon très personnelle de rendre hommage à la « petite reine » et une preuve de plus de son universalité et de sa pérennité.
  • Geoffroy SÉBLINE, Deux jours en France à vélo ; allier, à la manière des pionniers du XIXe siècle le chemin de fer, « le grand frère », et la bicyclette pour partir à la rencontre d’une France secrète et mystérieuse, le temps d’un week-end, avec les yeux grands ouverts. Pédaler sur les traces de l’Histoire, petite et grande, au gré des villages et villes qui font la richesse du pays.
  • Michael BLANN, Cols mythiques du cyclisme ; escalader à travers le regard professionnel mais passionné de l’auteur les plus grands sommets pour en saisir toute la beauté et la grandeur, revivre ses propres ascensions ou fantasmer celles jamais entreprises et remises à des temps meilleurs. Une ode à la montagne magnifiée par une maquette de très grande qualité.

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Jean-Yves MOUNIER

MON TOP 5 DES RÉCITS DE VOYAGE À BICYCLETTE 2020

Plus de 1400 pages de lecture à travers cinq titres choisis subjectivement – mais avec grand soin – parmi la grosse quarantaine parue en 2020, voilà qui devrait aider les amateurs à affronter les frimas de l’hiver et les aléas d’une situation sanitaire qui n’en finit pas de générer de l’incertitude.
Installez-vous bien confortablement et partez à travers le monde en compagnie de voyageuses et voyageurs qui ont su partager avec talent leurs aventures.

Jean-Yves Mounier

Florian COUPÉ

Un art de parcourir le monde.

382 pages, 21 €, Alisio.

Pour Florian, partir est un acte de résistance, il veut nouer un dialogue entre sa plume et son pédalier, il souhaite découvrir de nouveaux lieux, comme voyageur et non comme touriste, simple consommateur de plaisirs tarifés. Lors de son voyage, en compagnie de Laura puis en solitaire, il convoque nombre d’écrivains voyageurs, il confronte l’histoire à la géographie, il s’interroge sur le sens du voyage, l’avenir de celui-ci – que restera-t-il quand il n’y aura plus de nouveaux lieux à découvrir, faut-il ou non en parler pour éviter l’arrivée de foules plus ou moins respectueuses –, la pérennité d’un couple dans cette aventure.

Déjà présenté dans le Randonneur n° 75, ce récit à la lecture des plus plaisantes mérite une place de choix l’abondante production consacrée au voyage à bicyclette.

Florian Coupé - un art de parcourir le monde

Justine Duquesne - l'appel du bout du monde

Justine DUQUESNE

L’appel du bout du monde..

400 pages, 18,90 €, City Éditions.

On devient vieux quand on arrête d’apprendre et je ne veux pas prendre de l’âge avant l’heure. Tel est le credo de Justine qui, tout au long de ce témoignage de vie, qui va bien au-delà du simple récit de voyage, nous entraîne délicatement dans son intimité et nous fait partager quatre ans de sa vie au cours desquels elle est partie à la découverte des autres et, surtout, d’elle-même. À tandem, en stop, en tuk-tuk, à vélo, entre autres moyens de transport, la bicyclette restant de loin son favori, elle parcourt le monde au gré des opportunités, des rencontres, des envies ou des désillusions, essayant à chaque fois d’en retirer du positif, de l’humain, de la force pour aller de l’avant.

À travers le récit de ce voyage initiatique très personnel et optimiste, malgré la noirceur de certains épisodes racontés, l’autrice aimerait donner la force à d’autres de se lancer, d’oser, afin de ne pas regretter ensuite.


Michael PINATTON

Paris-Téhéran à vélo.

234 pages, 17 €, Géorama.

Comme souvent dans ce type d’écrit, Michael commence à se poser des questions sur le sens de son voyage, sur les dangers encourus, sur sa réelle motivation à partir. Mais, très vite, deux raisons majeures vont s’imposer et le pousser vers le départ : redécouvrir le voyage, lui qui en est pourtant familier mais semble en avoir fait le tour, et se trouver. J’ai juste envie de vivre, et ce projet me rend vivant, dit-il à sa grand-mère avant de se lancer en direction de l’Iran.

Dans un style souvent familier, ironique, empreint d’une auto-dérision qui fait du bien, l’auteur nous entraîne à ses côtés – bien qu’il soit visiblement plus adepte de la solitude en voyage que de la compagnie – sur les routes des Balkans, de la Turquie et de l’Iran et nous fait partager en toute simplicité ses joies, ses doutes et son goût pour les jolies femmes.

Michael PINATTON – Paris-Téhéran à vélo

L'Europe à coups de pédale de Florence Ramel

Florence RAMEL

L’Europe à coups de pédales..

294 pages, 12,50 €, Autoédition
disponible auprès de l’auteure ou sur son site.

Sans expérience vélocipédique, sans téléphone mais avec un enthousiasme et une volonté sans bornes, Florence, telle une héroïne moderne s’imposant six travaux herculéens, s’en va parcourir l’Europe et en rapporte un texte qui soulève l’enthousiasme, tant par sa délicatesse que par son humour et sa poésie.

Déjà présenté sur le site du Randonneur, ce récit d’une grande humanité, s’inscrit dans une tendance actuelle qui voit de nombreuses femmes voyager en solitaire à vélo et rapporter avec elles un récit de qualité. Hervé Le Cahain en a recensé cinq dont deux figurant dans ce Top 5.


Matthieu STELVIO

Les immensités secrètes.

156 pages, 8,95 €, Books on Demand

Pour son deuxième ouvrage, après « À la poursuite de l’horizon » (2015, 82 pages, Mon petit éditeur), Matthieu, qui s’est visiblement choisi un pseudonyme à la hauteur de son talent, nous raconte la partie scandinave de son périple aller et retour entre Grenoble et Le Cap Nord, lui qui rêve d’un monde fait d’eau et de végétaux, d’animaux et de vagues, de montagnes et de neige, lui qui veut ressentir la pureté des éléments, exister de toutes [ses] forces, vivre en grand !

Les étendues sauvages et désertiques de l’Europe du Nord, et plus spécialement la sauvagerie des fjords norvégiens, vont être pour lui l’occasion de laisser une trace, à travers ce récit superbement bien écrit, empli de poésie et de philosophie de vie, sans tomber toutefois dans l’angélisme, Matthieu se demandant finalement si la course au toujours plus dans laquelle s’est engagée l’humanité, ne va pas conduire à sa perte.

Matthieu Stelvio - les immensités secrètes

La bibliothèque du Randonneur

Bibliothèque du Randonneur


Dans la bibliothèque du Randonneur n° 75 de janvier 2021, vous pourrez découvrir :

  • David LE BRETON, En roue libre ; déclarer son amour à la petite reine en explorant tous ses aspects, historiques, sportifs, sociologiques, étayer son anthropologie sentimentale de très nombreues références bibliographiques, comme autant de portes d’entrée d’un univers à l’incroyable richesse, et montrer combien la bicyclette participe au rêve d’une ville hospitalière dans laquelle il ferait bon vivre.
  • Florian COUPÉ, Un art de parcourir le monde ; résister à une vie qui semble toute tracée alors qu’elle ne fait que commencer, partir à l’aventure pour rester adolescent et incandescent, dépeindre le monde en convoquant expérience personnelle et récits d’écrivains voyageurs, mettre son couple à l’épreuve quitte à y renoncer, et revenir pour confronter plume et pédalier, en livrant un récit appelé à devenir un classique.
  • Jean-Paul OLLIVIER, Le Tour de France des villes et villages ; découvrir la France dans ses moindres recoins, en regardant passer la caravane du Tour sur le bord de la route, en restant scotché des après-midi entières devant le poste de télévision, en s’absorbant dans la lecture de ce pavé en attendant la prochaine édition, s’étonner de l’incroyable richesse architecturale, historique et patrimoniale d’un pays qu’une vie de touriste à bicyclette ne suffira pas à connaître de manière exhaustive.
  • Jacques ROUX, Livre d’or du vélo dans les Pyrénées ; préparer sa balade vers les sommets, la vivre intensément, puis se la remémorer et en consigner les plus petits détails dans un livre d’or qui saura pallier à la défaillance de la mémoire ; s’offrir un réceptacle de qualité digne de ces ascensions, qui font le sel de la balade à bicyclette, telles une valse à trois temps, ceux de l’avant, du pendant et de l’après.

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Jean-Yves MOUNIER

Pédaler + intelligent

François Piednoir et Gilbert Vincent

Pédaler + intelligent

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extraits livre

Loin de moi l’idée de me substituer d’une quelconque manière à notre ami Jean-Yves Mounier et à la rubrique Bibliothèque qu’il tient d’œil et de plume de maître, cependant, à la fin de la lecture de Pédaler + intelligent, de François Piednoir et Gilbert Vincent, il m’est difficile de ne pas rendre hommage aux auteurs et au formidable, au colossal travail scientifique et technique accompli. D’autant plus que les trois autres contributeurs – ah ! les dessins joyeusement humoristiques de « Heffe », alias « Félix » dans notre revue, qui en agrémentent les pages, saupoudrés ici et là parmi des illustrations bien plus sérieuses ! –, sont des Amis du Randonneur. Du reste, bien qu’édité par la très officielle Fédération française de cyclotourisme, la première impression en découvrant le livre, en feuilletant ses pages, est d’avoir Le Randonneur entre les mains, tout au moins la rubrique « Cyclotechnie » qu’y tenait notre ami François. Même graphisme des illustrations, mêmes polices de caractère, même cartographie, même mise en page. Sauf que ce serait une rubrique de 450 pages…

Il ne s’agit pas d’une réédition enrichie du précédent ouvrage, Pédaler intelligent. C’est une refonte totale, un livre entièrement nouveau, sur les bases d’un sujet certes déjà traité, mais d’une manière entièrement neuve, paru voici déjà plus d’un an. Pourquoi avoir tant tardé pour en parler dans nos colonnes ? C’est que Pédaler + intelligent est un volume scientifique, rationnel, méthodique, savant, donc malaisé, âpre à aborder pour l’humble lecteur que je suis, plus attiré par la poésie et la beauté du papillon qui volette devant mes yeux, que par le genre, le nom latin, la classification que lui donnent les entomologistes lépidoptéristes… Aussi me suis-je approché de cette lecture sans enthousiasme, presque à reculons… J’avais tort.

Bien sûr, la démonstration est abondamment tapissée de formules mathématiques, de graphiques, de tableaux propres à effrayer, mais le propos est extrêmement clair, simplifié, vulgarisé, pour être à la portée de chacun. Et l’on apprend comment fonctionnent le cœur, les hanches, les genoux et les chevilles à chaque coup de pédale, comment est distribuée l’énergie mécanique, mais aussi comment se comporte la bicyclette elle-même, ce qu’il faut faire ou éviter à tout prix, bref, l’ouvrage est terriblement intéressant, passionnant. Et poétique, à sa façon, si le lecteur n’a pas déjà succombé au lyrisme d’une équation : « Avant de se lancer dans le grand concert d’une compétition sur route, d’un triathlon, d’un voyage à bicyclette ou d’une folle envolée sur les routes alpestres, précisons quelques éléments de solfège (…), et prêtons une oreille attentive aux instruments utilisés. »

J’ignore si je pédalerai plus intelligemment à l’avenir, mais j’aurai appris le mécanisme de notre système cardiovasculaire et respiratoire, l’importance de la position du cycliste, ou la règle fondamentale que « ce n’est pas la femme ou l’homme qui s’adapte à la bicyclette mais la machine qui s’adapte à son utilisateur », une règle qui ne doit pas se limiter au seul champ d’action du cyclotouriste mais s’étendre à la vie en général, et je suis sûr malgré tout de pédaler moins bête.
Merci, François et Gilbert.

Pédaler + intelligent

2019 – 45 € + frais de port

Édité par la Fédération française de cyclotourisme


Régis SAINT ESTÈVE

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genèse
Les auteurs

Rétro Vélo

Christian Jarno – Marco Lebreton

Rétro Vélo de Christian Jarno et Marco Lebreton

Marco Lebreton est collectionneur de vélos anciens qu’il expose dans « le musée de Marco » et propose à l’exposition et la location, la plupart étant en parfait état de fonctionnement.

Christian Jarno est photographe professionnel indépendant qui a eu un coup de cœur en visitant le « musée de Marco », visite qui lui a donné envie de mettre en scène les plus beaux modèles de la collection et de les présenter dans ce somptueux ouvrage.

Format à l’italienne, papier de qualité, photographies au service des deux-roues, l’ouvrage se laisse d’abord admirer avant d’être dévoré avec gourmandise et un immense plaisir.

Quarante-six modèles, allant de 1869 à 1949, sont ici photographiés, vue d’ensemble pleine page et détails techniques les plus caractéristiques et offrent un panorama complet – hormis la draisienne – de l’histoire de la bicyclette. On y retrouve, par exemple, les vélocipèdes à pédales de Michaux, les grands-bis, les « Safety » de Coventry, la « Levocyclette » ou le vélo pliant Gérard mais aussi des modèles plus originaux comme un beau choix de tricycles de toute époque ou un étonnant et ravissant manège de vélocipèdes.

Pour chaque machine, une fiche technique introduit le texte – celui-ci aurait mérité une relecture plus approfondie – qui met l’accent sur les particularités les plus caractéristiques, comme les systèmes de changement de vitesse ou les accessoires d’origine. S’appuyant sur de solides références, notamment Keizo Kobayashi, Claude Reynaud et, bien sûr, Raymond Henry, et prenant en compte les « découvertes » les plus récentes de Bernard Gougand et Didier Mahistre dans « Aux sources de la bicyclette », Marco nous raconte, avec précision et sans se noyer dans les détails pour spécialistes, l’histoire de ces bicyclettes qui ont conduit aux modèles que nous connaissons aujourd’hui.

Un très beau livre à offrir ou s’offrir que je recommande chaleureusement.

2020 – 246 pages – Autoédition disponible auprès de Marc Lebreton

Prix : 49 € + frais de port

Jean-Yves MOUNIER

Un livre, un cycliste :

Mes rayons de soleil, de Louis NUCÉRA

Vous êtes comme le Facteur Cheval, dit-elle. Lui se baladait à vélo pour ramasser le matériau indispensable à l’édification de son palais idéal à Hauterives ; et votre palais à vous, ce sera le bouquin à venir avec vos impressions et les choses vues au hasard des chemins… Car attention : c’est le voyageur qui fait la beauté d’un paysage.

Louis Nucéra - Mes rayons de soleil

L’action se situe au Logis de Beaulieu, en Charente, en mai 1985. Louis Nucéra y fait étape avec Suzanne, sa femme. Il est, depuis le 6 mai, sur son Tour de France, à vélo, en hommage à son grand-père et à son ami « la Chenille ». Ce dernier, compagnon de randonnée est infirme, paralysé :

Un accident… Moi qui ai descendu des cols à vélo à quatre-vingts à l’heure sans une égratignure, c’est sur un trottoir, en sortant d’une boulangerie, qu’une voiture m’a fauché… On m’a cru mort… Il eut mieux valu…

Écrivain reconnu, plusieurs fois récompensé, prix Interallié en 1981, grand prix de l’Académie française en 1993, Louis Nucéra est, dès sa plus tendre enfance, passionné de cyclisme :

Jour après jour, sans faiblir, ma vocation se trempait. Peu de semaines s’écoulaient sans que je n’affirme en famille et aux copains d’école : « Je serai coureur cycliste ! » Je le fus. Oh, de bien modeste manière… L’anonymat restait mon lot… La compétition me boudait ? Tant pis. Le cœur gros, je l’avoue, j’abandonnai le campionissimo de pacotille et ses chimères pour me vouer au cyclotourisme. À moi les routes en solitaire à travers les champs nappés de lavande, les parfums d’eucalyptus, les buis, les fenouils d’honorable stature, les forêts, la boussole infaillible de la beauté et de l’effort sertie dans le guidon.

Il fera un récit de son Tour de France, édité en 1987 chez Grasset. S’il a beaucoup écrit, une trentaine de romans essais et autres chroniques, seulement deux de ses œuvres portent sur le vélo : Le roi René, hommage à René Vietto, son idole, et Mes rayons de soleil, récit de sa circonvolution hexagonale. (Grand prix de la littérature sportive en 1987)

C’est un très vieux rêve : en 1896, son grand-père accomplit, en six jours, un Nice-Lyon-Nice. Il avait 26 ans, fait relaté de manière dithyrambique par l’Éclaireur de Nice et du Sud Est…

Ce qu’avait accompli mon aïeul, pourquoi ne pas l’entreprendre, pourquoi ne pas profiter davantage de l’allègement des vélos et d’un macadam mieux bichonné ? À peine née, l’idée s’installa et se développa en moi. Elle se mêlait à un appétit de vie primordial. Je me voyais escaladant Alpes et Pyrénées, longer les frontières, débouler le long de la Manche et de l’Atlantique, renifler l’air de la Méditerranée quand les vagues brodent à points d’argent les rivages. Si grand-père s’était satisfait d’un Nice-Lyon-Nice, c’est la France entière que j’allais sillonner ! C’est ce que je fis, par petits bouts, région par région. Mais un autre projet mûrissait. Vaste ! Lumineux ! Faire le Tour de France !

On ne confondra pas ce récit avec Du soleil dans mes rayons de Pierre Roques, paru en 1976, dont une partie évoque, elle aussi, un tour de France cyclotouriste. Mais les parcours et la manière diffèrent. Pierre et son ami Henri Bosc effectueront, en duo, le Tour de France Randonneur, brevet FFCT. Il en est autrement pour Louis :

Faire le tour de France : pas n’importe lequel, dicté par le hasard, comme en une vulgaire loterie. Celui dont je me devais d’emprunter les routes m’était imposé par le souvenir. Son vainqueur, Fausto Coppi.

1949, 1952 : Coppi avait remporté deux Tours de France. Lequel choisir ? C’est pour celui de 1949 que j’optai : il s’agissait de sa première victoire. Cette année-là, il avait aussi gagné le Tour d’Italie. (Dino Buzzati relate avec élégance et maestria cette épopée, il faut lire Sur le Giro 1949, préfacé par Éric Fottorino, aux éditions So Lonely, 2017). L’exploit tenait du miracle. Nul avant lui n’avait réussi ce doublé.

De Paris à Paris, 4 813 kilomètres. (…) Le tracé s’autorisait des incursions en Belgique, Espagne, Italie, Suisse ; si l’avenir des grimpeurs est aux cieux : Aubisque, Tourmalet, Peyresourde, Allos, Vars, Izoard, Mont-Cenis, Iseran, Petit et Grand Saint-Bernard s’offraient à leur béatitude et à mes peurs.

Carte tour de France 1949
Itinéraire du tour de France 1949

Profondément ému après sa visite chez « La Chenille », désormais cloué sur un fauteuil, il s’engage :

Cette nuit-là, chez moi, je décidai de ne plus reculer. Cent mille diables étaient à mes trousses ; je me trouvais au pied du mur. Mon Tour de France, je le ferais, sans tergiverser. Deux mois m’étaient nécessaires, au moins, si je voulais rouler, voir des choses et des gens. Ces deux mois de liberté, il me fallait les obtenir. Je les obtins. Ce livre que je portais depuis des années allait naître. 

Trente-six ans plus tard, je suis là, bien aise de plier bagage… Suzanne, ma femme, m’accompagne. Elle me suivra ou me précèdera en voiture. Nous sommes convenus de cette stratégie depuis un bon bout de temps.


Le départ se fera de Livry-Gargan : Il est temps de prendre le large. Il fait frisquet. J’ai une tenue presque hivernale : cuissard long, pull-over sur le maillot à manches longues. Nous sommes le 6 mai, il est 8 h 30.

La première étape, par Meaux, Château-Thierry, Épernay, venteuse et parsemée de côtes sévères conduit à Reims. Il faut deviner l’itinéraire, tant les références historiques, littéraires, philosophiques qui surgissent lors du récit de la journée – et qui sont pour beaucoup dans l’intérêt de l’ouvrage –, sont nombreuses. Mais vous, cyclotouristes émérites, savez combien le fait de rouler seul est propice à la réflexion ! Fatigué par cette longue journée, notre cyclotouriste ne visitera pas Reims.

Les cent quatre-vingt-deux kilomètres que j’avais dans les jambes ne m’en laissèrent pas le loisir. Après un bain et un copieux repas, un sommeil de plomb s’abattit sur moi.

Notre homme voyage léger, ne s’encombrant pas de bagage. C’est ce qu’il confie, le lendemain, en route pour Dinant, en Belgique. Il quitte Reims le 7 mai au matin :

Dessin de Félix

Deux sacoches à l’arrière, une à l’avant sur le porte-bagages, des pneus demi-ballon, il semble promener son buste tant il se tient roide sur sa bicyclette à garde-boue. Rien ne vient léser la partie haute de son corps : ni les écarts imposés par les obstacles de la route, ni la rapidité de ses jambes. Mi-hiératique, mi-remuant : il va. Si vite, malgré ses fardeaux, que cela me jette dans la nécessité de dire que je ne suis pas à la fête à son côté. Il est jeune.

Il m’a rejoint à la sortie de Reims, au pied du Mont de Berru. Quand il m’a doublé, j’ai pensé qu’il pouvait être un des derniers représentants de la « Gaule chevelue » région qui englobait la Champagne à l’époque de la conquête romaine, bien après que Reims se fut appelé Durocortorum, ce qui signifie « forteresse ronde » ; mais je ne vous apprends rien. Ses cheveux longs, blonds et bouclés cessent souvent de reposer sur ses épaules : ils flottent à l’air. Acclimaté à sa superbe, je me porte à sa hauteur et lui adresse la parole en traversant La Neuville-en-Tourne-à-Fuy, dont le nom évoque une déculottée prise par les Anglais durant la guerre de cent Ans. Est-il fâcheux d’y faire allusion ?

Ce musclé compère d’un jour est anglais, va visiter l’Allemagne via le Luxembourg. Il s’enquiert de l’équipage de Louis. « Vous n’avez pas de bagages ? »

Dois-je avoir honte de lui avouer que mon dessein est de coucher dans une chambre tous les soirs, de prendre une bonne douche, de changer de linge, de dîner au restaurant, de visiter les villes étapes à pied, mais frais comme l’œil, enfin de vivre une période de vacances, insolites sans doute, mais cossues. Dois-je lui dévoiler que ma femme m’attend à chaque halte, parfois chez des amis, plus souvent dans des hôtels ? Dois-je lui annoncer, avec gêne et diplomatie certes, que cette prodigalité nous l’avons préméditée ? Si j’en crois sa réaction, l’idéologie de la culpabilité – pour ce qui concerne les fastes d’autrui, bien sûr –, n’a fait nul ravage en lui. J’ai bien de la chance. Il me parle de la difficulté de grimper les cols avec une bicyclette aussi chargée que la sienne, de ses tribulations pour dénicher où se reposer la nuit.

Deux conceptions du cyclotourisme, qui se côtoient, pour une journée, de concert.

Je fixe tantôt son porte-bagages, tantôt la chaussée au-devant de lui. Des images défilent, des impressions se gravent en moi sans même que j’en sois avisé. Petit à petit, je me vois en coureur dans le Tour de France 1949. Dopé par le rêve, le géant de la route s’agite sous mon front. C’est une vieille obsession, on le sait ; un abonnement au mythe.

Lire Mes rayons de soleil, c’est lire deux récits : Le tour de France de Louis Nucéra, et le Tour de France 1949, étapes par étapes à travers de savoureuses chroniques, inspirées des écrits des « coursiers », comme on appelle ces chroniqueurs dans le peloton. L’auteur passe d’un récit à l’autre, comme s’il avançait dans deux dimensions, aux tracés parallèles, mais pas à la même vitesse. Reims-Bruxelles en une étape pour les coureurs, deux pour notre cyclotouriste, qui consacre aussi du temps pour visiter, à pied, les villes étapes. Dinant, ce soir, donc. Avec 170 kilomètres au compteur.

Étape à Bruxelles le lendemain, seulement 110 kilomètres, et du temps pour boire une « gueuse », une Liefmans « Au Vieux Spijtigen Duivel » ;  j’eus l’impression de viser la porte en sortant. Soirée chez un ami, médecin et vélocipédiste. Le lendemain, relâche…

Après Bruxelles, toujours suivant l’itinéraire du Tour de 1949, ce sera Boulogne-sur-Mer via Lille, la Normandie, Rouen, Caen, pour arriver à Saint-Malo, aux Sables-d’Olonne, à La Rochelle, à Bordeaux, à San Sebastián, et enfin, au pied des Pyrénées.

(suite…)